LE FRANçAIS COMME LANGUE D’AFFAIRES AU CANADA

La chose paraît tellement évidente que l’on s’étonne qu’elle vienne juste de naître. Dans toutes les provinces, il existe des fédérations de gens d’affaires francophones et autres conseils de développement économique, mais aucun organisme de représentation réunissant tout ce beau monde « a mari usque ad mare ».

En janvier, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA), le Conseil économique du Nouveau-Brunswick (CENB) et le Conseil de développement économique de l’Alberta (CDEA) annonçaient la création d’une structure commune : l’Alliance de la francophonie économique canadienne (AFEC). « Notre idée est de parler de la langue française autrement que dans la défense », dit Charles Milliard, président de la FCCQ.

Cela faisait plusieurs années, explique-t-il, que les divers organismes expérimentaient des cadres collaboratifs. Depuis huit ans, la FCCQ et le CENB organisaient les Rendez-vous Acadie-Québec. Depuis 2021, l’organisme québécois et la FGA remettent des Prix du commerce Ontario-Québec en francophonie, qui récompensent les entreprises francophones qui contribuent à l’accroissement des échanges entre le Québec et l’Ontario. « J’avais également assisté au congrès du Conseil de développement économique de l’Alberta, qui m’avait beaucoup impressionné », raconte Charles Milliard.

Dominic Mailloux, président de la FGA, explique que la collaboration s’était intensifiée depuis 2021 à l’époque où les quatre organismes discutaient dans des 5 à 7 virtuels en présence de Mélanie Joly, alors ministre du Développement économique et des Langues officielles. Durant la même période, le gouvernement du Québec avait organisé le Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes, et les discussions avec le Secrétariat québécois aux relations canadiennes étaient également fréquentes. Au Sommet de la francophonie de Djerba, en Tunisie, en novembre 2022, l’idée de créer l’AFEC s’est imposée et les choses se sont rapidement mises en place.

« Nous voulons parler de la francophonie différemment, comme d’une valeur ajoutée, dit Dominic Mailloux. Notre idée est que le réseautage va générer des occasions d’affaires et ouvrir des voies de commerce entre francophones. L’objectif de l’AFEC est de fonder les forces vives du développement économique francophone au Canada. »

L’éternel maillage

« On a une place à prendre au Canada, dit Charles Milliard. Depuis quelques années, nos organismes travaillaient le volet francophone de grands événements canadien, comme le Toronto Global Forum, où on a eu notre demi-journée francophone, et le congrès national sur le transport collectif. À Toronto, un tiers de la salle était composé d’anglophones qui y assistaient sans traduction simultanée. On vise désormais d’autres événements. »

Impressionné par la récente entente de coopération entre le collège Boréal de Sudbury et l’École canadienne de Tunis, Dominic Mailloux est convaincu qu’il faut créer les occasions de maillage et de réseautage. « L’écosystème est en place, il y a des chambres de commerce francophones partout, à Saint-Boniface, à Halifax. À nous de susciter les rencontres. »

Parmi les impératifs de l’AFEC figure le projet de faire grandir le réseau au-delà des quatre organismes fondateurs. « Les discussions vont bon train avec les Manitobains et les Britanno-Colombiens. On voudrait avoir au moins un organisme de représentation par province », dit Charles Milliard.

Un autre volet important concerne la collaboration avec le politique. Selon Dominic Mailloux, l’AFEC fera entendre ses revendications auprès des instances gouvernementales et produira des recommandations.

À ces yeux, ce qui se trame s’inscrit dans l’esprit de ce que Mariette Mulaire a réalisé au Manitoba depuis 2007. L’ancienne présidente du World Trade Center de Winnipeg avait fait valoir la plus-value du bilinguisme auprès du gouvernement manitobain en organisant la tenue de Centrallia, un forum international francophone de la PME, le premier du genre dans l’Ouest canadien, et en y attirant un nombre impressionnant d’entreprises francophones, comme les françaises Roquette et Ubisoft et les québécoises Hôtels Alt et Nordik Spa-Nature. « Elle avait fait comprendre au gouvernement manitobain que le français, c’était aussi de la business. »

En plus de créer des événements et d’assurer une présence francophone forte dans les événements d’affaires canadiens, l’AFEC veut activer le volet économique international francophone.

« C’est quand même le gouvernement du Québec, à l’époque de Jean Charest, qui a amorcé l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne, et qui est sous-utilisé par les Canadiens, alors que la francophonie représente tout de même un gros morceau en Europe, dit Charles Milliard. Réussir, ça ne se fait pas juste aux États-Unis. On pense à l’Europe, évidemment, mais aussi à l’Afrique, qui est un marché exceptionnel. »

« La langue peut être facilitatrice pour créer de la richesse. En Ontario, on est 5000 femmes et hommes d’affaires francophones, dit Dominic Mailloux. Il y a 321 millions de francophones dans le monde [selon les chiffres de 2022]. En tant que francophones, c’est nous qui sommes le mieux placés pour développer des corridors de commerce vers la France, la Belgique, l’Afrique. Les occasions d’affaires sont à saisir. »

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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