Au congrès d’Energy NL, traditionnellement un rassemblement annuel de travailleurs et de cadres du pétrole, l’or noir cède la place à l’hydrogène et à l'ammoniac.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a mis fin à un moratoire sur la production d’énergie éolienne, le printemps dernier, et 19 sociétés tentent de construire à l’heure actuelle d’immenses parcs éoliens alimentant des usines d’hydrogène et d’ammoniac.
Mardi matin, huit entreprises, chacune proposant son propre mégaprojet, ont fait le point sur leur plan devant les 600 personnes rassemblées au palais des congrès de Saint-Jean.
Les projets pourraient produire entre 250 et 3000 mégawatts d’électricité. Par comparaison, le barrage de Muskrat Falls, au Labrador, en produit 824 mégawatts. Les investissements possibles s’élèvent à des dizaines de milliards de dollars, selon les promotteurs. Des milliers de travailleurs seraient nécessaires.
Il y a vraiment beaucoup d’animation ici cette année
, affirme Charlene Johnson, la présidente-directrice générale d’Energy NL, l’association commerciale des entreprises de ressources naturelles de la province. Il ne nous reste plus de billets depuis quelques semaines.
Le gouvernement provincial n’a pas encore octroyé de permis d’utilisation de terres de la Couronne. Il n’a terminé aucune étude environnementale. Mais les promoteurs de certains projets promettent d’être fonctionnels d’ici 2026, un calendrier très ambitieux.
Au total, 24 projets sont à l’étude par le ministère de l’Industrie, de l’Énergie et de la Technologie. L’analyse des projets se fait en deux phases. Les candidatures retenues pour la deuxième phase seront connues dans les deux prochaines semaines
, selon le ministre responsable du dossier, Andrew Parsons.
Il faut aller rapidement, mais il faut aussi s’assurer qu’on se crée cette nouvelle industrie de la bonne façon
, affirme le ministre, qui reconnaît que plusieurs pays tentent en même temps d'établir une industrie d'hydrogène et d'ammoniac. Mon objectif, c’est le succès à long terme du secteur.
L’hydrogène vert est le dihydrogène (H2) produit en utilisant de l’électricité à faible empreinte carbone, comme l’énergie éolienne. Sa production consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau (H2O) afin de décomposer ses molécules et d’en extraire l’hydrogène.
L’hydrogène est ensuite utilisé pour en faire de l’ammoniac (NH3), qui est plus dense que l’hydrogène et donc relativement plus facile à transporter. Ce processus consiste à extraire de l’azote de l’air et à le combiner avec l’hydrogène.
La province ne pourra pas accepter la majorité des projets soumis, selon Sam Imbeault, vice-président à Everwind Fuels, une entreprise qui construit déjà un mégaprojet d’éoliennes et d’hydrogène vert de 5000 mégawatts à Point Tupper, en Nouvelle-Écosse.
D’abord, pour qu’un projet soit rentable, il lui faut des centaines voire des milliers d’hectares de terres pour les éoliennes, souligne-t-il. Plusieurs promoteurs risquent de s’intéresser aux mêmes terres, qui doivent se trouver près d’un port en eau profonde, par exemple. Il faut aussi s’assurer d’avoir assez de main-d’œuvre pour la construction.
Combien de projets vont réussir, selon lui? Il y aura plus qu’un projet, certainement [...] Dans un monde idéal, j’aimerais voir trois à cinq projets
, croit Sam Imbeault. Il faut que tu donnes assez d’espace pour que ce projet puisse avoir des phases subséquentes, qui vont être essentielles pour réduire le coût du produit, avec les économies d’échelle.
Erika Taugher, directrice des carburants verts à Pattern Energy, qui vise à construire au moins 46 éoliennes et une usine d’hydrogène et d’ammoniac dans l’ouest de la péninsule d’Avalon, estime que le secteur de l’hydrogène vert est nouveau et que malgré l’animation au congrès mardi, la plupart des projets sont voués à l’échec.
90 % des projets, en général, dans le secteur, ne sont pas assez solides
, affirme-t-elle. Elle souligne que sa compagnie dispose toutefois de 9000 acres de terres privées près du port d’Argentia, a déjà construit des parcs éoliens dans un délai très serré, et a déjà conclu des partenariats avec des groupes communautaires.
Les éoliennes ne pourront pas fonctionner à plein régime 24 h sur 24 et devront dépendre du réseau d’Hydro Terre-Neuve-et-Labrador lorsqu’il n’y a pas suffisamment de vent. Hydro devra analyser la capacité de son réseau de soutenir les projets proposés.
Si les organisateurs du congrès se réjouissent de la présence de plusieurs entreprises d’hydrogène et d’éoliennes, l’avenir du secteur pétrolier a toujours fait l’objet de discussions, mardi. Le ministre Parsons a rappelé que la richesse pétrolière de sa province, qui a contribué des milliards de dollars aux coffres du gouvernement, aide à payer notre système de santé et nos services sociaux.
Le président-directeur général d’ExxonMobil Canada, Lazaro Cosma, a fait le point sur les activités aux plateformes Hebron et Hibernia. Il y a aussi eu une présentation d'OilCo, la société de la Couronne responsable de la promotion du pétrole extracôtier, qui subventionne aussi la prospection au large de Terre-Neuve.
La présidente-directrice générale de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, Lisa Baiton, a aussi fait état des investissements dans le pétrole terre-neuvien, qui sont prévus stagner autour de 1,5 milliard de dollars en 2023, même si à l’échelle mondiale, les investissements dans la production vont atteindre 40 milliards, un nouveau record.
2023-05-30T18:47:21Z dg43tfdfdgfd